La Croix Gagnée, quartier de Boudonville
La Croix-Gagnée
Il n’y a plus de vignes à ma connaissance parmi les maisons de campagne
de ce coin de Nancy où l’on trouve cet édifice du petit patrimoine avec
fût de colonne, chapiteau portant un aigle (voir photo), un bandeau
avec la mention
S. Johannes et un petit calvaire.
On remarque le Christ exprimant tristesse et pitié, la Vierge à gauche,
Saint-Jean debout à droite, Sainte-Madeleine à genoux, tous plongés
dans la douleur. Sur le côté, on trouve une femme, Sainte- Barbe,
portant une palme d’une main ; c’est la patronne des artilleurs,
profession exercée par Didier Fossier (voir ci-après). De l’autre côté,
Saint Jacques le Majeur avec le bourdon du pèlerin et un livre. L’aigle
symbolise l’évangéliste Jean ; on retrouve l’ange (Saint-Mathieu) le
lion de Saint-Marc, le bœuf de Saint-Luc dans le demi-cercle de pierre
au-dessus de la croix, tout cela peu visible.
La charpente de bois protégeant l’ensemble date d’une autre époque.
D’où vient cette dénomination Croix- Gagnée ?
Les vers suivants en écriture gothique se trouvaient reproduits
au milieu du 19ème siècle, date d’une restauration, sur une
plaque au niveau de la colonne :
Où Christ souffrit passion merveillable,
Cruelle mort, cloué par piedz et mains,
Pour rachapler et saulver les humains ;
Et pour donner à dévotion lustre
En ce dict lieu, très puissant, très illustre,
Très révérend Père en Dieu Cardinal
De Honufrien, nommé en général
Très vertueux Cardinal de Lorraine,
A relaxé cent jours d'endurée peine
En purgatoire, à ceulx qui passeront
Par cy-devant, et humblement diront
Le Pate Noste et l’ Ave Maria.
Se sont cent jours de pardon qu'il y a.
Signé DIDIÉ LE GAMNIÉ.
C'est lors d'une restauration en 1842 (par M. MOTAIT) qu'une plaque en tôle à été posée avec la traduction du texte qui était auparavant écrit en gothique
Didié le Gamnié est connu.
Il fabriquait des armes, des gaines pour sabres et poignards ; profession gantier ou gainier, c’était Didier le Gainier. Gaimnié est une transformation erronée de Gainnié, le premier n étant là pour donner un son guttural à la première syllabe (c’était Didier le Gaigné ou Gaignier). C’est lui qui a fait élever ce petit monument.
On indique parfois que cette construction célèbre la victoire du duc Antoine sur les Rustauds, avec la signification Croix Gagnée. Le lien avec cette victoire n’est aucunement établi ; pourquoi pas ?
Qui était ce Didier Fossier, Didier le Gaignier, constructeur de la croix , un ex-voto?
Il a été au service de René II et du Duc Antoine. Il a accompagné René II, à la fois lors de ses déplacements en Italie et pendant la guerre contre Charles le Téméraire ce qui l’a conduit à appartenir à la corporation des maréchaux de Nancy. Il fabrique maints objets en cuir et obtient vers 1510 contre services futurs au Duc un terrain près de la fontaine de Boudonville ; il y construit un moulin avec meule pour repasser toutes sorte de fers.
S’étant enrichi, il construit vers 1525 une croix qui sera un
lieu de pèlerinage des Nancéiens probablement sans rapport avec la
bataille contre les Rustauds. On indique que le premier cardinal de
Lorraine, le cardinal de Honufrien, Jean fils de René II, s’intéressa à
cette croix afin de contrer le protestantisme grandissant: cent
jours
de purgatoire étaient supprimés à ceux qui prieraient devant cette
croix.
Une restauration du monument eut lieu en 1898.
Suite à une demande des habitants de Boudonville, la Ville de Nancy a entrepris la restauration de l'édifice en 2020: restauration des pierres de taille, des peintures, de la charpente et du toit ainsi que mise en peinture des grilles et création d'un nouvel éclairage.
Diverses cartes de Nancy du 18ème et 19ème siècle indiquent
clairement la Croix-Gagnée (Cassini - ci-dessous , Naudin (chapelle
indiquée) ou autres (Christophe 1850 ci-dessous))
- On sait que la Maison de Clodion de la rue
Saint-Dizier a été construite par l’architecte Grillot, ami de la
famille. Nicolas Grillot possédait une maison à Boudonvile près de la
Croix- Gagnée. Cette propriété s’appelait Calaine et selon Lionnois, ce
nom s’explique par le fait que le chemin qui permet d’y accéder « cale
», est en forte pente jusqu’au ruisseau de Boudonville qui alimente le
moulin.
- Vendredi
saint du côté de la Croix gagnée, croix érigée vers 1525 en mémoire des victoires remportées par le duc Antoine sur les Protestants.
Illustration du pèlerinage de la Croix-Gagnée le vendredi saint au début du 20ème siècle par André Dupuis. 1903, après pose de la grille.
Le Vendredi Saint, les pélerins y venaient pour essayer de gagner des indulgences. C'était aussi un lieu de pèlerinage pour les demoiselles en âge de se marier.
Les personnages
Détail
On remarque bien le Christ exprimant tristesse et pitié.
On retrouve l’ange (Saint-Mathieu) mais le lion de Saint-Marc et le bœuf de Saint-Luc dans le demi-cercle de pierre au-dessus de la croix sont peu visibles et mériteraient une restauration avant de disparaître complètement.
La Croix Gagnée vers 1840
- Au loin, au centre de l'image, surdimensionnée : la cathédrale
- Au second plan, centre-gauche, le clocher de la vieille église St Epvre
- En contrebas, centre-droit, a priori cela pourraît être le secteur Monbois-Libé
- la colline tout à droite : la Foucotte et ses belles maisons avec tours et/ou probablement une partie du haut-de-chèvre
(Clément Daynac, groupe Facebook nancyretro)
Dessin de Vaultrin
Lithographié par Paullet et Thorelle
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