Paul Crampel par Camille Martin 1891, Lorraine Artiste 6 sept 1991
Photo JosiFsix
Plaque rue Saint-Dizier, maison de naissance de Paul Crampel
Paul Crampel,
jeune explorateur français en Afrique, naquit à Nancy en 1864; il
suivit les cours de la Faculté des Lettres et fut assassiné en 1891 par
les sauvages de l'Afrique centrale, dans un voyage d'exploration de
l'Oubanghi au lac Tchad. Crampel avaït épousé, à la mode des sauvages,
une jeune Pahouiue de neuf ans, Niarisnhe, qu'il amena à Paris;
secrétaire de M. de Brazza, il avait toute espérance de réussir dans
son vaste projet : la traversée de l'Afrique centrale du sud au nord,
pour ouvrir au commerce français les routes du Baghirmi, du Bornou el
du Sokolou.
C'est le 9 avril 1891 qu'il fut assassiné, à l'âge de 27 ans, avec tous ses compagnons, à l'exception de M. Nébout.
Si le rêve de Crampel avait réussi, il dotait la France d'un des plus vastes empires coloniaux, reliant entre elles nos possessions africaines et assurant notre domination dans l'immense région située entre l'Algérie, le Soudan et le. Congo"
Lorraine Artiste 1891.
Camille Martin réalise avec Prouvé et Wiener le "livre d'or" offert par la Lorraine à la Russie.
Détail page 676
Célébration de l'amitié franco-russe 1892
Les angles et le fermoir en argent sont du bijoutier Severin Ronga
On pourra voir en vidéo "Flore de Lorraine", la table du Tsar,
table énigmatique à la marqueterie représentant un paysage allégorique de la Lorraine, commandée en automne 1893 à Emile Gallé et offerte au Tsar Alexandre III à l’occasion de la signature de l’alliance franco-russe. La table du Tsar raconte, en compagnie de conservateurs et restaurateurs du musée de l’Ermitage, d’historiens lorrains, de botanistes et biographes de Gallé, l’histoire de cet exceptionnel objet d’art conçu et fabriqué dans l’urgence par le célèbre artiste de l’Art Nouveau, ses collaborateurs et artisans, en seulement trois semaines.
Camille Martin - Un après-midi de printemps Christies 94600€ juin 2011
Camille Martin, "un coin d'atelier" MBA Nancy
Camille Martin représente son père sculpteur Toile achetée par l'Etat
Entre 1893 et 1895, le français André Marty (né en 1857) édite dans "L'estampe originale" des planches de Camille Martin. Voici la couverture de l’album V daté entre janvier et mars 1894.
Dessin de Camille Martin
Les Fêtes de Nancy 5-6-7 juin 1892
Visite du Président Sadi Carnot
Après l'enterrement, huile sur toile, 1889 Cimetière de Préville
Musée des beaux-arts de Nancy
Camille Martin, le Pont de Malzéville
MBA de Nancy
Victor Prouvé et Camille Martin, reliure Salammbô-Musée de l'école de Nancy
La reliure de Victor Prouvé, Salammbô, a été achetée en 1894 pour faire partie des collections du futur musée d'art décoratif de Nancy (qui sera créé officiellement en 1900).
Place Carnot à Nancy par Camille Martin (photo Artlorrain)
Jeu de quilles 1888
Le Petit Jéricho à Malzéville 1891
Huile sur toile signée et datée en bas à droite
65 x 46 cm
Figure de premier plan de l’École de Nancy, Camille Martin remporte en 1881 un prix qui lui permet de monter à Paris pour y rejoindre l'École des Arts Décoratifs. Sa rencontre avec le peintre japonais Hokkai Takashima en 1885 le dévie du post-impressionnisme strict dans lequel il s’engageait et le pousse à développer une touche singulière, subtilement mâtinée d’esprit japonisant. L’année 1891, date de ce tableau, marque son installation définitive à Paris (rue de Strasbourg ) et le début d’une carrière fulgurante où le peintre synthétise avec brio le naturalisme et le symbolisme portés pendant plusieurs décennies par l’art nancéen. (Gazette Drouot)
Premier soleil MBA Nancy
"Le Premier soleil de Martin est l'image de la vie rustique : le mari est aux champs ; sa vieille mère est restée près de l'âtre dont on aperçoit la fumée s'envoler au loin ; la jeune femme a voulu profiter des premiers rayons du soleil, elle est venue respirer l'air frais du matin, sentir le parfum des arbres en fleurs, mais, comme toute bonne ménagère ne doit pas rester inactive, elle recoud les sacs qui renfermeront le blé ou l'avoine, si la récolte est abondante ; au mouvement lent et rêveur avec lequel elle tire son aiguille, on devine tout le plaisir que lui cause le renouveau ; à ses pieds une poule et ses poussins picotent gaiement dans l'herbe ; l'hiver a été froid, on est si content de profiter du Premier soleil ! L'exécution de la toile est aussi simple que le sujet lui-même ; on trouve que c'est primitif, et en même temps on pense à Puvis de Chavannes. Quel tableau calme et charmant, quelle douce et tendre poésie et que c'est beau, pour un aussi jeune homme, de produire du premier coup une œuvre aussi originale ! Qu'on nous dise que les arbres sont trop blancs, qu'il y a plus de fleurs que de feuilles, que les ombres portées ne sont pas assez vigoureuses, voilà de bien petits défauts pour de bien solides qualités. Ne suivez que les cours de l'École des beaux-arts, monsieur Martin, vous pouvez devenir un bon peintre et vous serez peut-être un mauvais décorateur !"
L'art à Nancyen1882 / Salon deNancy de 1882 Roger Marx
de Lorraine Artiste:
Voiles en mer (en haut, MBA de Nancy) et voiliers près des récifs 1896 (en bas)
(deux seules marines connues de Camille Martin)
11
---------------------------------------------------
--------------------
Biographie
14 février 1861
Naissance à Nancy de Camille Martin, fils d’un père sculpteur et d’une mère brodeuse ;
1875
Entre à l’école de dessin de Nancy où il suit les cours de Théodore Devilly. Il se lie d’amitié avec les peintres Emile
Friant, Victor Prouvé et le sculpteur Mathias Schiff.
1881
1er lauréat du prix Jacquot pour la composition d’une
coupe décorative. Il part étudier à l’Ecole Nationale des Arts Décoratifs à Paris, pendant trois ans, doté d’une subvention de la Ville de Nancy.
1881-1884
Parallèlement à sa formation à l’Ecole des Arts Décoratifs, Camille Martin s’inscrit aux cours libres de l’Ecole des Beaux-Arts de Paris
1882
Expose pour la première fois au salon de Nancy. Sa peinture
Premier soleil est remarquée notamment par le critique d’art Roger Marx
Réalise, en collaboration avec Emile Friant, des scènes peintes
Pour un meuble de Louis Majorelle.
1884
Revient s’installer à Nancy ; expose pour la première fois
au Salon des Artistes Français (S.A.F.) Son « intérieur d’atelier » est acheté par l’Etat
1886
Expose, au S.A.F
« La Lisière d’une forêt de sapins au Hohwald » lui vaut une mention honorable
1887
Reçoit la distinction d’Officier d’Académie.
1888
Effectue des séjours en Egypte et en Islande.
1891
Crée un atelier-école ouvert à tous où il aide et forme des peintres et décorateurs
Premiers essais de pyrogravure sur bois qui l’amènent à développer cette technique dans des reliures
Participe au comité de soutien à la statue de Claude Gellée par Auguste Rodin
Expose des bois brûlés au salon du Noir et Blanc à Paris
1893
Expose, au salon de la Société Nationale des Beaux-
Arts (S.N.B.A.) à
Paris, les reliures modernes créées en collaboration
avec Victor Prouvé et René Wiener. Le Musée des Arts Décoratifs achète sa reliure pour l’Espagne
Est admis comme associé de la S.N.B.A. ;
Réalise, avec Prouvé et Wiener, le Livre d’or offert
par la Lorraine à la Russie et les bols à punch offerts aux amiraux de l’escadre Russe
Remporte, avec Prouvé, le concours du monument de la
Croix de Bourgone (non réalisé)
Bourgogne (non réalisé).
1894
Expose aux salons « Pour l’art et la libre esthétique »
à Bruxelles ;
Réalise l’affiche au paon, pour l’exposition d’art
décoratif et industriel de Nancy, préfigurant la future Ecole de Nancy
1898 Décès à Nancy
C'est le 9 avril 1891 qu'il fut assassiné, à l'âge de 27 ans, avec tous ses compagnons, à l'exception de M. Nébout.
Si le rêve de Crampel avait réussi, il dotait la France d'un des plus vastes empires coloniaux, reliant entre elles nos possessions africaines et assurant notre domination dans l'immense région située entre l'Algérie, le Soudan et le. Congo"
Lorraine Artiste 1891.
Camille Martin réalise avec Prouvé et Wiener le "livre d'or" offert par la Lorraine à la Russie.
Détail page 676
Célébration de l'amitié franco-russe 1892
Les angles et le fermoir en argent sont du bijoutier Severin Ronga
On pourra voir en vidéo "Flore de Lorraine", la table du Tsar,
table énigmatique à la marqueterie représentant un paysage allégorique de la Lorraine, commandée en automne 1893 à Emile Gallé et offerte au Tsar Alexandre III à l’occasion de la signature de l’alliance franco-russe. La table du Tsar raconte, en compagnie de conservateurs et restaurateurs du musée de l’Ermitage, d’historiens lorrains, de botanistes et biographes de Gallé, l’histoire de cet exceptionnel objet d’art conçu et fabriqué dans l’urgence par le célèbre artiste de l’Art Nouveau, ses collaborateurs et artisans, en seulement trois semaines.
Camille Martin - Un après-midi de printemps Christies 94600€ juin 2011
Camille Martin, "un coin d'atelier" MBA Nancy
Camille Martin représente son père sculpteur Toile achetée par l'Etat
Entre 1893 et 1895, le français André Marty (né en 1857) édite dans "L'estampe originale" des planches de Camille Martin. Voici la couverture de l’album V daté entre janvier et mars 1894.
Dessin de Camille Martin
Les Fêtes de Nancy 5-6-7 juin 1892
Visite du Président Sadi Carnot
Après l'enterrement, huile sur toile, 1889 Cimetière de Préville
Musée des beaux-arts de Nancy
Camille Martin, le Pont de Malzéville
MBA de Nancy
Victor Prouvé et Camille Martin, reliure Salammbô-Musée de l'école de Nancy
La reliure de Victor Prouvé, Salammbô, a été achetée en 1894 pour faire partie des collections du futur musée d'art décoratif de Nancy (qui sera créé officiellement en 1900).
Place Carnot à Nancy par Camille Martin (photo Artlorrain)
Jeu de quilles 1888
Le Petit Jéricho à Malzéville 1891
Huile sur toile signée et datée en bas à droite
65 x 46 cm
Figure de premier plan de l’École de Nancy, Camille Martin remporte en 1881 un prix qui lui permet de monter à Paris pour y rejoindre l'École des Arts Décoratifs. Sa rencontre avec le peintre japonais Hokkai Takashima en 1885 le dévie du post-impressionnisme strict dans lequel il s’engageait et le pousse à développer une touche singulière, subtilement mâtinée d’esprit japonisant. L’année 1891, date de ce tableau, marque son installation définitive à Paris (rue de Strasbourg ) et le début d’une carrière fulgurante où le peintre synthétise avec brio le naturalisme et le symbolisme portés pendant plusieurs décennies par l’art nancéen. (Gazette Drouot)
Premier soleil MBA Nancy
"Le Premier soleil de Martin est l'image de la vie rustique : le mari est aux champs ; sa vieille mère est restée près de l'âtre dont on aperçoit la fumée s'envoler au loin ; la jeune femme a voulu profiter des premiers rayons du soleil, elle est venue respirer l'air frais du matin, sentir le parfum des arbres en fleurs, mais, comme toute bonne ménagère ne doit pas rester inactive, elle recoud les sacs qui renfermeront le blé ou l'avoine, si la récolte est abondante ; au mouvement lent et rêveur avec lequel elle tire son aiguille, on devine tout le plaisir que lui cause le renouveau ; à ses pieds une poule et ses poussins picotent gaiement dans l'herbe ; l'hiver a été froid, on est si content de profiter du Premier soleil ! L'exécution de la toile est aussi simple que le sujet lui-même ; on trouve que c'est primitif, et en même temps on pense à Puvis de Chavannes. Quel tableau calme et charmant, quelle douce et tendre poésie et que c'est beau, pour un aussi jeune homme, de produire du premier coup une œuvre aussi originale ! Qu'on nous dise que les arbres sont trop blancs, qu'il y a plus de fleurs que de feuilles, que les ombres portées ne sont pas assez vigoureuses, voilà de bien petits défauts pour de bien solides qualités. Ne suivez que les cours de l'École des beaux-arts, monsieur Martin, vous pouvez devenir un bon peintre et vous serez peut-être un mauvais décorateur !"
L'art à Nancyen1882 / Salon deNancy de 1882 Roger Marx
de Lorraine Artiste:
Camille Martin est né le 14
février 1861 à Nancy. Il
entra en 1875 à l'école de dessin de la ville. Il en sortit
en 1881 et avec succès, semble-t-il, car il obtint le prix
Jacquot. Or, le prix Jacquot envoie son titulaire à Paris,
aux Arts décoratifs, avec une subvention de seize cents
francs. Seize cent francs à un jeune artiste, c'est tout
juste assez pour côtoyer la gêne et même pour la con-
naître. Aussi Camille Martin eut-il, comme ce pauvre
Schiff, de pénibles périodes à traverser. Mais, intrépide,
il affrontait, de gaieté de coeur, l'avenir. Et maintenant,
c'est en souriant qu'il se souvient de ces jours-là. Dirai-
je qu'il fut un élève remarquable et dont on pouvait alors
bien augurer ? Plusieurs médailles en sont la preuve.
Malgré ces succès, il sentait en lui sa véritable voca-
tion pour la peinture, et il allait suivre les cours libres
de l'école des Beaux-Arts.
Et cependant, nous ne pouvons nous empêcher de re-
connaître avec lui l'influence durable qu'a pu exercer sur
le talent de notre peintre son séjour aux Arts décoratifs ;
ses oeuvres en ont conservé une vigueur remarquable et
une grande intelligence de la composition.
De Paris, le jeune peintre envoyait, en 1882, au Salon
de Nancy, son premier tableau : Premier soleil, où l'on
pouvait déjà reconnaître, selon l'expression d'un de nos
critiques, « l'étoffe d'un grand peintre. » — Nos lecteurs
se souviennent peut-être de cette toile : Dans un verger,
une femme assise et cousant ; un soleil de printemps ;
des arbres couverts de fleurs.
Il quitta Paris en 1884, et vint à Nancy commencer
cette existence de solitude et de labeur qu'il mène en-
core aujourd'hui. J'énumèrerai simplement ses envois aux
différents salons, oeuvres qui marquent chacune autant
de progrès étonnants.
En 1884, Salon de Paris : Intérieur d'atelier, acheté
par l'Etat, et les Bouquinistes.
Au Salon de Nancy : Cage à lapins.— Roches de
Remiremont. — Discours sur la tombe.
En 1885, à Paris. — Les Joueurs de quilles et le
Peintre amateur.
En 1886, à Paris. — Lisière d'une forêt de sapins
(mention honorable), et à Nancy, le Sculpteur prati-
cien et le Désoeuvré. ■
Citons aussi ses aquarelles ': L'Arc-de-Triomphe. —
Le port Saint-Georges. ■— Le pont de Malzèville et
plusieurs intérieurs d'ateliers.
Telle est l'histoire du peintre et l'énumération de son
oeuvre.
III
Qu'est-ce qui caractérise le talent de Camille Martin ?
Car tout artiste digne de ce nom a sa note person-
nelle, sa façon de voir, de comprendre et d'exprimer,
qui lui marque une place bien déterminée.
Très sobre de paroles quand il s'agit de lui, le jeune
peintre se dit simplement naturaliste. Que ce mot n'ef-
fraye pas la lectrice, et qu'elle n'aille pas se figurer
d'horribles choses ; c'est à craindre, en effet, depuis la
formation d'une foule d'écoles, aux noms les plus com-
pliqués. Camille Martin veut la nature pour modèle ; il
veut en rendre toutes les nuances, en faire ressortir tout
le caractère et la poésie. Nous disions tout à l'heure que
l'artiste a une façon à lui de comprendre. Cette manière
même de voir est sa note personnelle que le peintre
ajoute à la nature ; il donne ainsi à l'oeuvre ce charme
attachant et secret ; il la fait bien sienne. C'est ce qui la
distingue de la photographie. Ceci pourra déplaire à
bien des soi-disant réalistes . qui voudraient pousser
leurs théories jusqu'au bout.
Or, ce qui nous frappe dans le talent de Camille
Martin, c'est une certaine .distinction dans la façon de
rendre ce qu'il aperçoit. On pourrait dire de lui, que sa
peinture est spirituelle ; et j'entends ce mot dans sa plus
large acception. Il cherche à rendre dans les choses ce
que j'appellerai leur esprit, leur tournure particulière,
leur aspect.
Arrêtons-nous, par exemple, devant une de ses œuvres
les plus remarquées : le Discours sur la tombe : des dos
de redingotes, des parapluies ouverts, de la pluie à tor-
rents, et voilà tout. Pourquoi cette petite toile grise,
simplement peinte, nous séduit-elle ? parce que la pluie
qui détrempe la terre et les redingotes donne à la triste
cérémonie un caractère à la fois lugubre et comique. Cet
exemple suffira pour faire voir dans Camille Martin un
peintre délicat et observateur.
Chez lui, point d'éclats et de recherches extraordi-
uaires, rien qui attire violemment les regards ; il peint
dans une gamme de couleur inférieure d'une octave à la
réalité, qu'il reconnaît impossible à rendre dans bien nés
effets. Nous l'avons dit, c'est de la représentation même
de la nature qu'il fait dégager cette poésie intime et
harmonieuse qui caractérise son talent.
Sa peinture est habile et sans recherche, comme le
choix de ses sujets.
L'oeuvre est distinguée et simple ; l'homme l'est
aussi. Il s'isole dans son charmant petit atelier de la
rue de Boudonville ; c'est là que vont le voir ses amis, et
qu'ils peuvent admirer la toile au chevalet. Ils y sont
bien reçus ; Camille Martin est très avenant. Il n'est pas
facile de le faire parler de lui-même, nous l'avons déjà
dit. Mais qui sait ce qu'il rêve ? Nous sommes certain
que l'artiste a des aspirations dignes de sou talent. Sa
mention honorable ne lui suffit pas, et nous souhaitons
bonne chance aux deux tableaux qu'il envoie au Salon
de 1887.
Il a un gros défaut qui lui a nui bien souvent : il est
trop modeste — modeste comme une petite fille peut
être. Pour vous en donner une idée, je vous dirai qu'il
n'a jamais consenti à te laisser photographier.—Du
moins, je me trompe : en regardant bien la phototypie
de son atelier, que nous donnons aujourd'hui, vous
pourrez, à grand renfort de bésicles, trouver la phy-
sionomie fine et éveillée de notre peintre. Il est joli
garçon.
entra en 1875 à l'école de dessin de la ville. Il en sortit
en 1881 et avec succès, semble-t-il, car il obtint le prix
Jacquot. Or, le prix Jacquot envoie son titulaire à Paris,
aux Arts décoratifs, avec une subvention de seize cents
francs. Seize cent francs à un jeune artiste, c'est tout
juste assez pour côtoyer la gêne et même pour la con-
naître. Aussi Camille Martin eut-il, comme ce pauvre
Schiff, de pénibles périodes à traverser. Mais, intrépide,
il affrontait, de gaieté de coeur, l'avenir. Et maintenant,
c'est en souriant qu'il se souvient de ces jours-là. Dirai-
je qu'il fut un élève remarquable et dont on pouvait alors
bien augurer ? Plusieurs médailles en sont la preuve.
Malgré ces succès, il sentait en lui sa véritable voca-
tion pour la peinture, et il allait suivre les cours libres
de l'école des Beaux-Arts.
Et cependant, nous ne pouvons nous empêcher de re-
connaître avec lui l'influence durable qu'a pu exercer sur
le talent de notre peintre son séjour aux Arts décoratifs ;
ses oeuvres en ont conservé une vigueur remarquable et
une grande intelligence de la composition.
De Paris, le jeune peintre envoyait, en 1882, au Salon
de Nancy, son premier tableau : Premier soleil, où l'on
pouvait déjà reconnaître, selon l'expression d'un de nos
critiques, « l'étoffe d'un grand peintre. » — Nos lecteurs
se souviennent peut-être de cette toile : Dans un verger,
une femme assise et cousant ; un soleil de printemps ;
des arbres couverts de fleurs.
Il quitta Paris en 1884, et vint à Nancy commencer
cette existence de solitude et de labeur qu'il mène en-
core aujourd'hui. J'énumèrerai simplement ses envois aux
différents salons, oeuvres qui marquent chacune autant
de progrès étonnants.
En 1884, Salon de Paris : Intérieur d'atelier, acheté
par l'Etat, et les Bouquinistes.
Au Salon de Nancy : Cage à lapins.— Roches de
Remiremont. — Discours sur la tombe.
En 1885, à Paris. — Les Joueurs de quilles et le
Peintre amateur.
En 1886, à Paris. — Lisière d'une forêt de sapins
(mention honorable), et à Nancy, le Sculpteur prati-
cien et le Désoeuvré. ■
Citons aussi ses aquarelles ': L'Arc-de-Triomphe. —
Le port Saint-Georges. ■— Le pont de Malzèville et
plusieurs intérieurs d'ateliers.
Telle est l'histoire du peintre et l'énumération de son
oeuvre.
III
Qu'est-ce qui caractérise le talent de Camille Martin ?
Car tout artiste digne de ce nom a sa note person-
nelle, sa façon de voir, de comprendre et d'exprimer,
qui lui marque une place bien déterminée.
Très sobre de paroles quand il s'agit de lui, le jeune
peintre se dit simplement naturaliste. Que ce mot n'ef-
fraye pas la lectrice, et qu'elle n'aille pas se figurer
d'horribles choses ; c'est à craindre, en effet, depuis la
formation d'une foule d'écoles, aux noms les plus com-
pliqués. Camille Martin veut la nature pour modèle ; il
veut en rendre toutes les nuances, en faire ressortir tout
le caractère et la poésie. Nous disions tout à l'heure que
l'artiste a une façon à lui de comprendre. Cette manière
même de voir est sa note personnelle que le peintre
ajoute à la nature ; il donne ainsi à l'oeuvre ce charme
attachant et secret ; il la fait bien sienne. C'est ce qui la
distingue de la photographie. Ceci pourra déplaire à
bien des soi-disant réalistes . qui voudraient pousser
leurs théories jusqu'au bout.
Or, ce qui nous frappe dans le talent de Camille
Martin, c'est une certaine .distinction dans la façon de
rendre ce qu'il aperçoit. On pourrait dire de lui, que sa
peinture est spirituelle ; et j'entends ce mot dans sa plus
large acception. Il cherche à rendre dans les choses ce
que j'appellerai leur esprit, leur tournure particulière,
leur aspect.
Arrêtons-nous, par exemple, devant une de ses œuvres
les plus remarquées : le Discours sur la tombe : des dos
de redingotes, des parapluies ouverts, de la pluie à tor-
rents, et voilà tout. Pourquoi cette petite toile grise,
simplement peinte, nous séduit-elle ? parce que la pluie
qui détrempe la terre et les redingotes donne à la triste
cérémonie un caractère à la fois lugubre et comique. Cet
exemple suffira pour faire voir dans Camille Martin un
peintre délicat et observateur.
Chez lui, point d'éclats et de recherches extraordi-
uaires, rien qui attire violemment les regards ; il peint
dans une gamme de couleur inférieure d'une octave à la
réalité, qu'il reconnaît impossible à rendre dans bien nés
effets. Nous l'avons dit, c'est de la représentation même
de la nature qu'il fait dégager cette poésie intime et
harmonieuse qui caractérise son talent.
Sa peinture est habile et sans recherche, comme le
choix de ses sujets.
L'oeuvre est distinguée et simple ; l'homme l'est
aussi. Il s'isole dans son charmant petit atelier de la
rue de Boudonville ; c'est là que vont le voir ses amis, et
qu'ils peuvent admirer la toile au chevalet. Ils y sont
bien reçus ; Camille Martin est très avenant. Il n'est pas
facile de le faire parler de lui-même, nous l'avons déjà
dit. Mais qui sait ce qu'il rêve ? Nous sommes certain
que l'artiste a des aspirations dignes de sou talent. Sa
mention honorable ne lui suffit pas, et nous souhaitons
bonne chance aux deux tableaux qu'il envoie au Salon
de 1887.
Il a un gros défaut qui lui a nui bien souvent : il est
trop modeste — modeste comme une petite fille peut
être. Pour vous en donner une idée, je vous dirai qu'il
n'a jamais consenti à te laisser photographier.—Du
moins, je me trompe : en regardant bien la phototypie
de son atelier, que nous donnons aujourd'hui, vous
pourrez, à grand renfort de bésicles, trouver la phy-
sionomie fine et éveillée de notre peintre. Il est joli
garçon.
Voiles en mer (en haut, MBA de Nancy) et voiliers près des récifs 1896 (en bas)
(deux seules marines connues de Camille Martin)
11
---------------------------------------------------
--------------------
Biographie
14 février 1861
Naissance à Nancy de Camille Martin, fils d’un père sculpteur et d’une mère brodeuse ;
1875
Entre à l’école de dessin de Nancy où il suit les cours de Théodore Devilly. Il se lie d’amitié avec les peintres Emile
Friant, Victor Prouvé et le sculpteur Mathias Schiff.
1881
1er lauréat du prix Jacquot pour la composition d’une
coupe décorative. Il part étudier à l’Ecole Nationale des Arts Décoratifs à Paris, pendant trois ans, doté d’une subvention de la Ville de Nancy.
1881-1884
Parallèlement à sa formation à l’Ecole des Arts Décoratifs, Camille Martin s’inscrit aux cours libres de l’Ecole des Beaux-Arts de Paris
1882
Expose pour la première fois au salon de Nancy. Sa peinture
Premier soleil est remarquée notamment par le critique d’art Roger Marx
Réalise, en collaboration avec Emile Friant, des scènes peintes
Pour un meuble de Louis Majorelle.
1884
Revient s’installer à Nancy ; expose pour la première fois
au Salon des Artistes Français (S.A.F.) Son « intérieur d’atelier » est acheté par l’Etat
1886
Expose, au S.A.F
« La Lisière d’une forêt de sapins au Hohwald » lui vaut une mention honorable
1887
Reçoit la distinction d’Officier d’Académie.
1888
Effectue des séjours en Egypte et en Islande.
1891
Crée un atelier-école ouvert à tous où il aide et forme des peintres et décorateurs
Premiers essais de pyrogravure sur bois qui l’amènent à développer cette technique dans des reliures
Participe au comité de soutien à la statue de Claude Gellée par Auguste Rodin
Expose des bois brûlés au salon du Noir et Blanc à Paris
1893
Expose, au salon de la Société Nationale des Beaux-
Arts (S.N.B.A.) à
Paris, les reliures modernes créées en collaboration
avec Victor Prouvé et René Wiener. Le Musée des Arts Décoratifs achète sa reliure pour l’Espagne
Est admis comme associé de la S.N.B.A. ;
Réalise, avec Prouvé et Wiener, le Livre d’or offert
par la Lorraine à la Russie et les bols à punch offerts aux amiraux de l’escadre Russe
Remporte, avec Prouvé, le concours du monument de la
Croix de Bourgone (non réalisé)
Bourgogne (non réalisé).
1894
Expose aux salons « Pour l’art et la libre esthétique »
à Bruxelles ;
Réalise l’affiche au paon, pour l’exposition d’art
décoratif et industriel de Nancy, préfigurant la future Ecole de Nancy
1898 Décès à Nancy
***************